Certains établissements helvétiques vont jusqu’à demander aux frontaliers français travaillant en Suisse de fermer leurs comptes courants.
La banque cantonale de Zurich (ZKB), le troisième établissement financier du pays, après l’UBS et le Crédit suisse, a adressé un courrier à tous ses clients frontaliers, français et allemands, leur demandant de fermer leurs comptes, comptes titres mais aussi comptes courants. Quant à la banque cantonale vaudoise (BCV), elle refuse dorénavant que les frontaliers ouvrent des comptes titres (accueillant notamment des actions ou des obligations).
Pourquoi les banques suisses, longtemps fort peu regardantes sur la provenance des fonds, déposés par des tyrans sanguinaires (comme Duvalier ou Mobutu), des mafieux russes et même des trafiquants de drogue colombiens, se focalisent-elles brutalement sur les 290 000 frontaliers travaillant dans la Confédération, dont 150 000 Français ? C’est d’autant plus absurde que les revenus perçus par ces pendulaires sont connus par les fiscs des deux côtés de la frontière. En effet, à sa déclaration préremplie des revenus 2013, de couleur bleue, le frontalier joint une déclaration des revenus encaissés à l’étranger, de couleur rose.
L’Agefi, le quotidien suisse de la finance, révèle cette semaine que la banque cantonale de Genève (BCGe) a elle aussi adressé un courrier à ses clients transfrontaliers pour qu’ils régularisent leur situation fiscale. La lettre de la BCGe ne contient toutefois pas de menace de fermeture ou de blocage des comptes. Néanmoins, cette démarche est, elle aussi, totalement incompréhensible. En effet, contrairement aux autres cantons suisses, celui de Genève perçoit à la source les impôts des frontaliers (puis en reverse une partie aux départements de l’Ain et de la Haute-Savoie).
Alors, pourquoi s’en prendre à des comptes appartenant à des salariés, pouvant difficilement frauder, et qui, de toute façon, ne gagnent pas des millions ? Certains mauvais esprits risquent d’y voir un excès de zèle au moment où se profile le spectre de l’échange automatique d’informations entre le fisc helvétique et ceux de ses voisins européens. Plus lente que le Luxembourg et l’Autriche, qui ont déjà annoncé la fin du secret bancaire, la Confédération promet, elle, l’échange d’informations. C’est un grand pas avant de tordre définitivement le cou à son sacro-saint secret bancaire. Dans ces conditions, il est effectivement logique que les banques demandent à leurs clients fraudeurs de se régulariser.
Mais il y a longtemps que les plus riches d’entre eux ont pris leurs précautions. Soit leurs comptes sont gérés dans des filiales de banques suisses aux Bahamas ou à Singapour. Soit leurs avoirs se dissimulent derrière des fondations au Liechtenstein ou des sociétés-écrans aux îles Vierges ou à Panama. Faute de grives, on lâche les merles. Un abandon d’autant plus facile que les comptes courants n’ont jamais rapporté beaucoup d’argent aux banques suisses.